Au-delà de la problématique des grands prédateurs,
le milieu agricole montagnard s'est posé une question : "
quelle biodiversité voulons-nous sur nos territoires ? "
Devant
les conséquences des prédations entraînant l'abandon
accéléré du pastoralisme et face aux observations
faites sur le terrain, les éleveurs ont été amenés
à se poser cette autre question majeure : " le loup et
l'ours menacent-ils la biodiversité de nos territoires ? "
C'est la raison pour laquelle les principaux responsables des syndicats
agricoles de montagne se sont réunis hier à Paris dans
le cadre de la première journée nationale des présidents
de massifs, ce qui laisse supposer qu'il y en aura probablement d'autres.
Tous
les représentants des massifs de montagnes étaient présents
: Vosges, Jura, Alpes, massif Central et bien sûr les Pyrénées
avec les Chambres d'Agriculture, la FNSEA, les Jeunes Agriculteurs,
la Fédération Nationale Ovine, la Fédération
Nationale des Eleveurs de Chèvres mais aussi des représentants
des associations tel que l'ADDIP
(Fédération d'associations de 4 départements pyrénéens)
et le Grand
Charnier dans l'Isère.
Au
cours d'une réunion de travail, il a été
présenté les
chiffres clés du pastoralisme français et
des grands prédateurs. Une information sur les protections
juridiques des prédateurs a été fournie aux
participants. Il a été décidé de créer
un groupe de travail de spécialistes pour s'assurer que
les procédures et exigences imposées au milieu montagnard
restent bien légales. Un certain nombre d'observations
tendent à penser que le ministère de l'Ecologie
et les associations environnementalistes profitent d'un "
vide d'opposition " pour s'imposer de manière
arbitraire. Ce serait, de la part des éleveurs de montagne,
un changement stratégique en passant d'une phase de protestation
qu'ils jugent " avoir été nécessaire
à une époque ", mais " qu'ils ne
renient pas pour le futur " à une phase constructive.
|
Bious-Artigues
en vallée d'Ossau, un espace en cours d'ensauvagement par genévriers
et rhododendrons (Ph. L. Dollo) |
"Le
passé a été nécessaire et peut se renouveler
s'il le faut", tels que les événements d'Arbas
ou la manifestation de Bagnères de Bigorre " qui ont
permis de faire connaître à la France entière l'existence
de problèmes contrairement à ce que pouvait dire la propagande
pro-ours " comme nous le précise un responsable d'association.
"
Cette stratégie a été mise en place "
nous précise une autre. Elle se retrouve dans le
manifeste " pour le maintien de la biodiversité en zone
d'élevage " qui est " un véritable
engagement de la profession agricole et de ses dirigeants pour les années
à venir." Et il nous est précisé que "
les associations pyrénéennes ont été porteuses
de cette idée bien avant le Grenelle de l'Environnement et le
pacte de Nicolas Hulot. Ce sont ces idées qui sont reprises.
" Les Pyrénéens étaient donc novateurs
et ont su se faire entendre. Novateurs ? Oui sûrement puisque
l'idée de créer des associations dans chaque département
ouvertes au-delà des éleveurs, à tous les usagers
de la montagne directement concernés par les externalités
positives de l'élevage en montagne a été avancée.
Des associations qui seront impliquées dans les commissions de
travail qui vont être mises en place dans les prochaines semaines.
Pyrénéens
novateurs et présents
Bruno Besche-Commenge,
un Pyrénéen gascon, enseignant et chercheur à
la retraite
mais toujours sur le terrain |
D'ailleurs,
l'après midi, c'est un Couseranais, Bruno Besche-Commenge,
qui prenait la parole pour exposer devant les délégués
agricoles et la presse parisienne " ce que les environnementalistes
appellent l'exemple
espagnol " et qui semble, en fait, être un
contre exemple de la protection de la biodiversité. Mais au-delà
de la protection des espèces sauvages, il est une autre biodiversité
à défendre : celle des animaux d'élevage. Bruno
Besche-Commenge, en bon spécialiste de l'histoire des techniques
agropastorales pyrénéennes a présenté
le
cas de la brebis castillonaise en voie de disparition comme
bien d'autres dans les Pyrénées qu'il s'agisse d'ovins,
bovins, caprins et équidés. Et pourtant, c'est à
partir de ces races rustiques que les espaces sont entretenus depuis
des millénaires et que des races plus élaborées
ont été obtenues. |
Un
autre Pyrénéen était présent. Venu de l'Ariège,
Henri Nayrou, député et secrétaire général
de l'Association Nationale des Elus de la Montagne (ANEM)
a apporté le point de vue des élus de la montagne et réaffirmer
leur position prise lors de l'assemblée générale
d'Ax les Thermes.
Il
y avait également les Alpins et la problématique
du loup que nous connaîtrons sûrement bientôt
dans les Pyrénées. Laurent GARDE, écologue
au Centre d'Etudes et de Réalisations Pastorales Alpes
- Méditerranée (CERPAM)
et spécialiste des questions de cohabitation entre les
éleveurs et les loups est venu expliquer que "
protéger les troupeaux face aux loups ou préserver
la montagne c'est aller vers une
impasse technique.
" Voilà une situation qui contredit totalement
toutes les thèses des écologistes dont bien peu
d'entre eux sont d'ailleurs des éleveurs.
|
Laurent Garde
et Bruno Besche-Commenge
(Ph. L. Dollo) |
Des témoignages
mais aussi des questions très pertinentes de l'animateur des
débats, Philippe Lefebvre, journaliste France Inter, qui conclue
en disant qu'en deux heures il avait plus appris qu'au travers de tous
les reportages qu'il avait vus et lus ces dernières années.
Nous voyons donc
se dessiner dans le milieu montagnard, c'est-à-dire ceux qui
vivent au quotidien en montagne, une vision très différente
de ce que peut-être la biodiversité, la protection et l'entretien
de l'environnement montagnard et de ses paysages et, au-delà,
le développement durable des vallées. Il a été
de nouveau rappelé que " s'il y a encore en montagne
des espèces remarquables et remarquées au point de créer
des zones Natura 2000, ce n'est pas grâce aux écologistes
mais grâce aux bergers et éleveurs et qu'à ce titre
ils ont peu ou pas de leçons à recevoir " Le
ton est donné !
C'est le sens du manifeste
signé par tous les présidents d'organisations professionnelles
agricoles qui exigent :
- l'arrêt
de la réintroduction d'ours et son cantonnement dans des zones
appropriées,
- le retrait des
loups dans les zones d'élevage,
- la régulation
des populations de vautours et de lynx.
En
savoir plus
Texte
et photos Louis Dollo
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