Assemblée plénière du Conseil régional Midi-Pyrénées

consacrée aux conséquences de la sécheresse

DISCOURS D'OUVERTURE DE MARTIN MALVY

PRESIDENT DU CONSEIL REGIONAL MIDI-PYRENEES

Mardi 2 septembre 2003

Monsieur le Président du Comité Economique et Social Régional,

Monsieur le Secrétaire Général,

Mesdames et Messieurs les Conseillers Régionaux,

C'est la 1ère fois au cours de ce mandat que je suis amené à convoquer une Assemblée Plénière Extraordinaire. J'ai pris cette décision parce que c'est de la région, de toute la région qu'il s'agit. Parce que la situation que connaît notre région est tout à fait exceptionnelle et qu'elle exige sans délai un élan et un effort de solidarité.

La sécheresse que nous avons endurée, précoce, longue et intense, est sans précédent depuis pour le moins un demi-siècle. La canicule et ses conséquences ont frappé depuis le mois de juin toute la France. Mais, tous les indicateurs météorologiques convergent pour démontrer que Midi-Pyrénées, notre région a subi beaucoup plus que d’autres sur le plan agricole et sur le plan environnemental, ce qui est devenu une véritable catastrophe qui restera dans l'histoire régionale.

Des températures les plus élevées. METEO France a enregistré une succession de records de chaleur au cours du mois d'août. A Toulouse, 40,7° C. Le précédent record était de 40,2. Il datait de 1947. Non seulement le mercure est monté très haut, mais il est resté longtemps à ce stade.

 C'est ainsi, toujours à Toulouse et toujours au mois d'août, que le thermomètre a dépassé les 30° C pendant plus de 14 jours. C’est également un nouveau record, le précédent avait plus de 50 ans d'ancienneté (10 jours en 1949).

Cette situation s’est vérifiée sur toute notre région. A St-Girons, il faut remonter à plus de 25 ans en arrière pour retrouver autant de jours de très forte chaleur, tout comme à Millau, à Montauban et à Gourdon, avec 41,8° C au mois d'août pour ces deux dernières villes. Ces nouveaux records de chaleur ont été enregistrés partout. Seuls Francazal en 1923 (avec 44° C) et Mont de Marsan en 1947 (42,5° C) ont fait plus.

Quant à la pluviométrie, METEO France a enregistré un déficit de précipitations de 50 à 92% des Pyrénées Atlantiques à l’Aveyron, entre le 1er juin et le 20 août. Confirmant ainsi que Midi-Pyrénées a été l’une des régions les plus touchées de France. Tous les départements ont connu des restrictions d'eau. Certains des problèmes d'alimentation en eau potable.

Une telle catastrophe climatique a d'abord des conséquences humaines. Au-delà de la sècheresse que subit le monde agricole, je pense, nous pensons tous, aux personnes décédées et à leurs familles. La France vient de connaître l'été le plus dramatique qu'elle ait jamais eu à connaître. Il s'est soldé par le décès supplémentaire de 11 435 personnes, selon le dernier chiffre publié par le ministre de l'Intérieur.

Nous ne disposons pas pour le moment de chiffres propres à notre région, mais elle a, elle aussi, payé son tribut de vies humaines à cette canicule.

Mesdames et messieurs, mes chers collègues, confrontés à cette situation exceptionnelle dont nous savons les uns et les autres que l'on ne peut aujourd'hui mesurer très exactement ce que seront ses conséquences, au-delà de l'agriculture, sur le plan environnemental et économique, je veux dire que nous en appelons très fortement à la solidarité nationale. Nous ne pouvons pas le faire en étant crédible, si nous nous-mêmes nous ne donnons pas l'exemple.

Il faut rappeler l'importance du monde agricole pour l'économie de notre région. Non seulement Midi-Pyrénées est la 1ère région d'élevage en France pour les bovins viande et les ovins lait mais au-delà elle compte 50.000 exploitations, 110 000 actifs, 22.000 salariés des industries agroalimentaires régionales. Ces femmes et ces hommes ont un rôle irremplaçable dans la vie de nos communes. Ils sont la vie régionale. Nous devons les soutenir au moment où ils traversent une crise d'une telle gravité.

Dès le mois de juillet, nous en avons mesuré l'ampleur. J'ai en ce qui me concerne, saisi le 23 juillet le ministre de l'agriculture et demandé, à Monsieur le Préfet de Région, la création d'une cellule de crise associant les services de l'Etat, le Conseil Régional, les Conseils Généraux, les représentants régionaux de la profession. Le Préfet de Région l'a constituée. Je lui en sais grè.

Elle s'est réunie les 12 et 26 août. Elle se réunira prochainement. Elle continuera de se réunir. Elle nous permet de disposer d'un 1er état des lieux, préalable indispensable à toute prise de décision.

Comme beaucoup d'entre vous, je suis allé sur le terrain. Le 30 juillet en Aveyron, sur deux  exploitations, ovine et bovine. Dans le Gers, dans les Hautes-Pyrénées, le 24 août à Tanus, où j'ai rencontré les représentants du CDJA du Tarn. Le 30, à Rabastens où j'ai rencontré les responsables de la coopération et des caves particulières. Avant hier, j'ai passé deux heures avec les représentants du CDJA du Lot et le Président de la Chambre.

Vendredi dernier, j'ai reçu les représentants des organisations professionnelles agricoles pour la 2ème fois. Je les avais invités le 31 juillet, avec le Président de la Commission Agriculture, Alain Fauconnier, et les membres du bureau.

Nous voulions disposer de plus récentes informations. Je n’ai convoqué que ce matin la Commission de l’Agriculture, puis celle des Finances et, enfin, notre assemblée, pour vous présenter des propositions précises d'intervention qu'au terme de ces échanges que j'ai eu également avec les services de l'Etat.

Les propositions que je vous fais s'inspirent d'abord du constat essentiel qui est ressorti de tous ces entretiens : il y a urgence à intervenir en faveur des éleveurs. Même s'il faut bien sûr penser aussi aux autres spéculations végétales et animales. J'y reviendrai tout à l'heure.

La 1ère nécessité est d'intervenir en direction de l'élevage. Pourquoi ?

Parce qu’il faut en priorité nourrir le cheptel, ce qui nécessite l’achat et le transport d'aliments, qu'ils proviennent de l'espace régional, ce qui est souhaitable pour des raisons de coût, ou des zones qui n'ont pas été sinistrées, ce qui est souvent une obligation. Faute de pouvoir le faire, les éleveurs vendraient leur bétail. C'est ce que l'on appelle la décapitalisation.

J'ai été frappé d'entendre les représentants de toutes les organisations syndicales confirmer ce risque. Ce qui est en jeu, c’est la préservation de l’outil de production. Nous n’avons pas les moyens d’intervenir pour le maintien du revenu. Nous devons nous en convaincre, si cela était nécessaire. Le dire en tout cas. Savoir que la profession ne nous le demande d'ailleurs pas, consciente de nos limites budgétaires. Ceci relève de la compétence indiscutable du Gouvernement. Il en a toujours été ainsi dans l'histoire de l'Agriculture française.

Par contre, nous devons consacrer tous nos efforts pour assurer la pérennité des exploitations. A situation exceptionnelle, justifiant d’une exceptionnelle solidarité nationale, nous nous devons d'afficher nous-mêmes un engagement exceptionnel. Je vous propose, de le situer à hauteur de 20 millions d’euros. C'est un effort qui, comme la crise, est sans précédent. En 1989, le Conseil Régional avait débloqué 10 millions de francs, soit 1,5 millions d'euros.

A la demande du Gouvernement, la Commission européenne va, nous dit-on, fixer le montant plafond de l'aide publique totale pour les éleveurs à 45  euros par tonne d'aliment acheté ou transporté. Je vous propose de décider que nous agirons sous une double forme :

-          d'une part une aide forfaitaire à chaque exploitant qui en fera la demande et déposera un dossier recevable ;

-          d'autre part une aide proportionnelle à la taille du troupeau.

Ceux qui solliciteront cette aide devront fournir les factures établissant qu'ils ont bien acheté des aliments. L’aide directe est impossible. Elle nous est interdite. Nous devons être, comme l'on dit et comme le disent les technocrates : euro-compatible. C'est sur cette base que la Commission Permanente arrêtera la liste des bénéficiaires de la mesure.

Je vous propose de fixer à 100  euros la somme forfaitaire allouée à tout dossier recevable, et à 25 euros par UGB, le plafond de la subvention en retenant un plancher exploitation par exploitation à 5 UGB et un plafond à 50. Les estimations de nos services chiffrent cette intervention à 14 M euros. Je vous propose d’ajouter 1 M euros pour une aide à la reconstitution des prairies temporaires et artificielles, détruites par la sécheresse, qui devront évidemment être reconstituées et ceci, sur la base d’une aide dont le montant à affiner pourrait se situer aux alentours de 60 euros par hectare ce qui permettrait d’intervenir sur quelques 30.000 hectares et d’appeler des financements européens. Puisque lorsque nous avons négocié le Docup, nous avons prévu d'intervenir sur ce dossier.

Il est indispensable de sauver d'abord le cheptel, quelques 914.000 UGB, et d'engager immédiatement les reconstitutions des prairies là où cela sera nécessaire. Nous ne devons pas pour autant oublier les autres productions et notamment les productions végétales. Dans ce domaine, le dispositif du Fonds National des Calamités Agricoles doit jouer pleinement son rôle. L'indemnisation des calamités agricoles repose sur le Fonds National des calamités, qui est cofinancé par l'Etat et la profession agricole, c’est à dire les exploitants par leurs cotisations. Il n'est ni dans nos attributions, ni dans nos moyens financiers de nous engager dans ce domaine. Le Gouvernement devait de l’argent au Fonds national des calamités agricoles. Il est aujourd’hui doté de quelques 300 millions d’euros. Comme le déclarait récemment l’un des principaux responsables agricoles de notre région : « Cela ne fera jamais le compte. » Pour notre seule région Midi-Pyrénées, les évaluations partielles et sommaires actuelles sujettes donc à modifications font déjà état de dégâts à hauteur de 500 M euros éligibles au fonds, hors viticulture, hors sylviculture. L'indemnisation étant fixée à hauteur de 25 %, il faudra au moins 125 M euros pour  que la Caisse des calamités agricoles réponde aux seuls besoins de Midi-Pyrénées.

Insuffisant dans son aide aux éleveurs, avec pour l’heure, une intervention de 2 à 3 euros par UGB, nous devons nous tourner vers le Gouvernement en lui demandant de prendre des engagements supplémentaires, doter le Fonds National des Calamités Agricoles des moyens nécessaires à son action, ré intervenir pour éviter la décapitalisation du cheptel, aggravée par les perspectives de réforme de la PAC et les nouvelles modalités de soutien à l'agriculture, par le biais du découplage.

Il doit, comme le lui demandent les agriculteurs, leur apporter une aide face à, ce qui est le plus grave, la disparition de leur capacité de trésorerie. Les professionnels, et en particulier les jeunes agriculteurs qui sont particulièrement concernés, ont demandé que leur annuité 2003 soit reportée en fin de prêt. C'est ce qu'ils ont baptisé le principe de l'année blanche, qui ne consiste pas à effacer la dette mais à la reporter dans le temps. Le Gouvernement n'a pour le moment pas donné de suite. Je pense qu’il ne pourra pas refuser longtemps la mesure. Et que la caisse nationale Mutuelle du Crédit Agricole suivra.

En tous cas, pour ce qui nous concerne afin de contribuer au déblocage de cette situation, je vous propose que nous réservions une enveloppe de 5 M euros pour accompagner le Gouvernement, si, comme nous le lui demandons, il s'engage dans cette voie de l'année blanche en concertation avec le secteur bancaire. Cela pourrait se faire sur la base de 40% Etat, 40 % prêteurs et 20% collectivités territoriales. Nous serons au rendez-vous.

C'est donc un plan de 20 M euros que je vous propose de voter aujourd'hui pour soutenir notre agriculture régionale et la ruralité qui souffre avec elle. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance des dernières publications de l’INSEE. Si le gouvernement refusait d'engager le processus d'année blanche, je vous proposerai de rechercher avec la Profession, comment intervenir pour les autres spéculations, dans le cadre de l'euro-compatibilité que j'évoquai tout à l'heure, à partir de cette dotation de 5 millions d'euros.

Nous devrons donc rester très attentifs. Toujours sur le même principe de reconstitution du potentiel de production. Ces crédits feront l'objet d'une inscription à la Décision Modificative n°2, le 30 octobre, par redéploiement de crédits, ce qui, vous le savez, ne soulève pas de problème particulier et n'empiètera sur la mise en œuvre d'aucune de nos décisions antérieures. D'ici là, la mesure sera en application. Les dossiers seront adressés le plus rapidement possible dans les mairies. Les premières affectations devraient pouvoir suivre la plus prochaine Commission Permanente.

Au-delà des mesures à court terme, il restera à définir ou à réactualiser le cadre de certaines politiques régionales. Mais aussi, nationales.

Si le caractère exceptionnel de la sécheresse 2003 est évident, il n'en demeure pas moins que notre région a naturellement un climat marqué par des périodes de sécheresse estivale. Plus de 10 ans nous séparent de la dernière sécheresse. On ne connaît pas le nombre d'années qui nous sépare du prochain accident.

La canicule de 2003 en tous cas a mis en relief les retards pris au niveau des procédures de sauvegarde des ressources : décision tardive sur la mobilisation des jachères et la conservation des pailles, difficulté à mobiliser les moyens logistiques, absence de tout stock d'intervention en paille et fourrage… Plutôt que de devoir reconstruire une stratégie de sauvegarde, alors que l'accident est déjà arrivé, je demande que les pouvoirs publics mettent en place un véritable plan de prévoyance comme il en existe dans d'autres domaines d'intérêt collectif. Il convient d'établir les bases, au plan national, d'un plan sécheresse, comme il existe un plan Orsec, s'agissant de la protection civile en situation d'urgence.

Cette crise a également mis en exergue le problème croissant de l'eau. Le Conseil régional n’a pas compétence en ce domaine. Néanmoins, il soutient depuis déjà plusieurs années, un certain nombre d’actions en matière de réserve – les lacs collinaires - , ou des expérimentations sur les pratiques agricoles économes en eau, notamment. A ce titre, je pense que nos établissements d'enseignements agricoles tous dotés d'exploitations pourraient être utilement mobilisés à la recherche de propositions innovantes. Je souhaite les réunir prochainement afin de lancer sur les exploitations publiques, pas seulement celles qui relèvent du Conseil régional, un véritable appel à projets. 

Il nous faut aller plus loin, porter un nouveau regard sur les politiques de l'eau liées aux usages et à leur évolution mais aussi à la réglementation européenne et à la nouvelle politique agricole commune. La France doit obligatoirement approuver avant la fin 2004 la nouvelle directive. La Nouvelle PAC conduira à des modifications des schémas de production. Nous verrons rapidement si reviennent vers nous des demandes de création de retenues collinaires individuelles ou collectives. S'il en revient, nous les retiendrons.

Mais à l’affirmation selon laquelle cette situation, qui peut se renouveler demain, appelle des décisions immédiates en terme de capacité de stockage, je préfère que l’on réponde par une interrogation : quels seront les besoins de demain ? En sachant que demain, ce ne sera pas forcément l’été 2004, mais que nous risquons à terme de connaître néanmoins des situations du même type que celle que nous traversons.

Immédiatement, on s'interroge sur Charlas. La réponse est simple : laissons le débat public se dérouler. Ecoutons. A quoi serviraient des procédures que nous avons voulues démocratiques si nous devons prendre position avant que nos concitoyens aient pu même s’informer. Curieuse approche de la démocratisation des procédures environnementales. Je la laisse à d’autres. L'exemple du 2nd aéroport toulousain devrait pourtant servir de leçon.

Cela dit, parallèlement au débat public, le gouvernement et l’Agence de Bassin doivent prendre des engagements clairs. Si Charlas doit être décidé, - chantier dont le coût se situera entre 300 et 400 millions d’euros - quelle sera la hauteur de leur participation ? 50% comme annoncé au départ ? J'en doute. Je vous rappelle que le budget de l'Etat en matière hydraulique pour toute la France est annuellement de l'ordre de 15 millions d'euros et que l’Agence de Bassin depuis un an, un an et demi, réduit toutes ses interventions.

Encore une fois, laissons le débat public se dérouler, cherchons les réponses aux questions que je viens de poser : quels besoins pour demain ?. Et refusons que l’attention soit détournée, procédé trop facile, dans lequel  je pense que certains sont déjà tombés. L’urgence, aujourd’hui, c’est la solidarité nationale.

Ce qu’attendent les agriculteurs, ce n’est pas un projet qui en toute hypothèse ne pourrait pas voir le jour avant 5 ans, 10 ans, 15 ans.

Le problème de l’eau est un sujet majeur. L’enjeu est tel qu’il ne peut laisser le Conseil régional Midi-Pyrénées indifférent, même si nous n’avons pas de compétences particulières dans ce domaine. Il n'est pas qu'agricole. C'est à mon avis d'ailleurs, une erreur grave de ne le poser qu'en ces termes. Prenez la Garonne. Prenez la traversée de Toulouse. La population progresse de 10.000 habitants par an. Les problèmes sont posés en termes environnementaux.

Je vous suggère donc de confier une mission à l’ARPE et au Conseil économique et social de Midi-Pyrénées en concertation avec nos deux commissions de l’agriculture et de l’environnement. Partant des informations actuelles, je vous propose la création d'une commission mixte chargée d'établir un rapport sur l’évolution des besoins, tous secteurs confondus, sur l'évolution des réserves et des techniques de consommation, au delà de l'agriculture elle-même. Je propose que les conclusions puissent être rendues en juin ou septembre prochain et qu'elles s’appuient sur l'ensemble des organismes compétents.

Cette commission mixte, dont nous pourrions arrêter la composition très prochainement, devrait prendre en compte les travaux effectués par les uns et par les autres, rencontrer les Etablissements Publics et Techniques de Bassin compétents sur le territoire régional.

Je me propose de prendre contact avec leurs présidents. Mais aussi travailler avec l'ensemble des organisations agricoles et professionnelles, les associations de consommateurs et de protection de l'environnement. Nous pourrons mettre des moyens à sa disposition, des groupes de travail, à travers l’ARPE, pour que Midi-Pyrénées puisse apporter des réponses.

Voilà mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire, en introduction à cette séance exceptionnelle sur la sécheresse. Exerçons une solidarité active si nous voulons demander à la solidarité nationale de s'exercer en direction de l'agriculture et de la ruralité de Midi Pyrénées.

Merci de votre attention.